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Macron en comédien de l'Histoire, Fritz A. Jean en valet du néocolonialisme

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    Renouvo Demokratik
  • il y a 7 jours
  • 6 min de lecture

Par: Hugue CÉLESTIN

Membre de : Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK) &

Efò ak Solidarite pou Konstriksyon Altènativ Nasyonal Popilè (ESKANP)


Le mois de juin prochain marquera la première année depuis le passage de notre ami et frère Louis Magloire, figure emblématique de la localité Cadush et de "Lakou Bois Gradys", vers l'autre rive. Ce matin-là, de très bonne heure, nous étions trois : Tcholit Valcourt, Jean-Michel Magloire et moi-même à prendre la route vers le centre-ville de Limonade. Le rendez-vous avait été fixé au bar Ti Bambou, juste en face de la place Sainte-Anne, à deux pas du commissariat communal. Nos invités nous y attendaient déjà ; Jaccin St Armand, fidèle serviteur du "Lakou Cerca Dorno", et son cousin Obéi, initiateur de cette rencontre singulière. Venus de Bois de Lance, ils avaient emprunté des chemins devenus impraticables, défoncés par la saison des pluies et par les lourds camions exploitant sans relâche les carrières de sable de la rivière qui irrigue les terres fertiles de la section.

Autour de quelques verres de jus de citron, soigneusement préparé selon la recette traditionnelle de la limonade, accompagnés de cassave au cocoyer, de pistaches grillées et de figues mûres. Nous échangeons des paroles à voix basse, la conversation s'est doucement engagée sur les misères du moment. Des champs de patates douces et d'ignames ravagés par un parasite ; la récolte de cacao détruite par les rats ; les citrus, encore et toujours, en voie de disparition ; la recrudescence alarmante des vols de bétail dans les sections communales...

Le ton s'est ensuite alourdi. Nos hôtes ont évoqué la gangstérisation rampante du Nord, notamment à Limonade et à Quartier-Morin, où des groupes armés s'emparent de terres paysannes, détruisent les plantations, puis revendent à prix d'or ces espaces à ceux fuyant les milices de la capitale. Ces bandes ne sont pas de simples brigands : elles sont les relais territoriaux d'un banditisme du CPT, désormais démasqué, qui domine Port-au-Prince, l'Artibonite et le Plateau Central. Pour Obéi comme pour nous, c'est cela, aujourd'hui, le quotidien de la paysannerie plongée dans un enracinement profond de la dépossession.

À ce tableau de douleurs rurales s'ajoutait notre mission du jour ; préparer la cérémonie "Kase Kannari" en hommage à Louis Magloire. Jaccin en serait l'officiant et une neuvaine de prières devait être menée par le "père savane", Siliosin Barthélémy. Dans la tradition haïtienne du vodou, "Kase Kannari" constitue un moment de haute solennité ; une rupture rituelle marquant la séparation irréversible entre l'esprit du défunt et le monde des vivants. Ce rite libère l'âme des attaches terrestres, lui permet de quitter les limbes et d'emprunter le chemin vers Ife, en Guinée, dans le royaume des Alladas, là où résident les ancêtres et où certains, deviennent "lwa".

C'est à cet instant précis, alors que le silence retombait lentement autour de notre table, qu'Eddy Lagredelle, propriétaire du bar, alluma discrètement son téléviseur. Le son était faible, presque imperceptible, mais les mots résonnaient avec violence. Le président du Conseil de Protection des Truands (CPT), Fritz A. Jean, s'adressait à la nation. Dans un ton feutré, presque liturgique, il évoquait les 150 millions de francs-or arrachés par Charles X en échange de la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti par la France. Ce jour-là, sous la lumière vacillante du bar Ti Bambou, alors que nous honorions nos morts, les vivants, une fois encore, trahissaient.

1825-2025 : Deux siècles de servitude camouflée

Le 11 juillet 1825, sous la menace d'une escadre française mouillant à Port-au-Prince, les autorités haïtiennes, soumises, signent l'ordonnance royale imposant le paiement de 150 millions de francs-or aux anciens colons. Cet acte, sous la présidence de Jean-Pierre Boyer, marque une trahison des idéaux de 1804. Ce chantage impérial a jeté les bases structurelles du sous-développement d'Haïti, dont les conséquences persistent.

Dans son discours à l'occasion du bicentenaire de cette rançon, Fritz A. Jean ne fait que reconduire l'esprit de soumission. Son message est un certificat de docilité adressé aux puissances tutélaires, pendant que les masses sombrent dans la faim, fuient les violences des gangs-milices, tandis que les élites pactisent. Aucune rupture, aucun projet de reconquête, aucun sursaut de dignité. Il s'inscrit dans une lignée de compromissions ; Boyer en 1825, Lescot en 1941, Martelly en 2011, Fritz A, Jean et CPT en 2025. Tous ont troqué la souveraineté contre la reconnaissance des maîtres.

Car que disait Fritz A. Jean, l'acceptation calme, presque administrative, d'un vol historique ? Que proposait-il, une réparation morale abstraite, un dialogue poli avec les institutions françaises et régionales, sous prétexte que le moment serait venu ? Mais enfin, de quoi parle-t-on ? Deux siècles d'humiliation, de spoliation et de désordre organisé et l'homme qui aspire à présider aux destinées de la nation s'exprime comme un fonctionnaire d'ONG. Aucun rappel des circonstances iniques dans lesquelles ce chantage colonial a été imposé à un peuple libre.

Ce n'est pas le peuple haïtien qui a consenti à cette rançon, mais une élite "comprador", infidèle à l'idéal révolutionnaire de Dessalines. En 1825, dans leurs palais, dans la discrétion de leurs salons, le général Boyer, les parlementaires d'alors, la bourgeoisie marchande de Port-au-Prince ont troqué l'indépendance contre le confort illusoire de la reconnaissance. En agissant ainsi, ils ont piétiné l'acte fondateur de 1804. Dessalines proclamait : « Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes. » Eux ont préféré vendre l'âme de la nation pour quelques certificats de respectabilité délivrés par les maîtres d'hier.

Le cynisme élevé au rang d'art diplomatique

La posture actuelle d'Emmanuel Macron ne diffère en rien du cynisme calculé de ses prédécesseurs. Il reconnaît l'injustice uniquement pour mieux l'ensevelir. Par un habile tour de passe-passe historique, il ose, en 2025, admettre que « faire payer à Haïti le prix de son indépendance était injuste. » Quelle soudaine lucidité, quelle coïncidence commode ! Mais cette reconnaissance tardive, ne sert quà redorer le blason d'une France colonialiste qui, sous des formes renouvelées FMI, ONU, missions de « stabilisation », continue d'écraser le peuple haïtien sous le poids d'une dette à la fois morale, économique et politique.

Une note de l'Élysée prétend offrir un « regard lucide » sur le passé, sans rien proposer de concret. Le CPT s'incline et remercie. Le peuple, lui, s'effondre : faim, insécurité, écoles désertées, paysannerie dépossédée. Pendant ce temps, les élites participent à des symposiums diplomatiques vides de sens et de mises en scène protocolaires. C'est une indignité.

Une farce géopolitique bien huilée.

Le discours d'Emmanuel Macron n'est pas une main tendue, mais une gifle diplomatique pour assurer la permanence des intérêts occidentaux au cœur des affaires haïtiennes. Il salue les efforts de transition du CPT, cette équipe sans vision, sans légitimité, sans base populaire. De son côté, Fritz A. Jean joue son rôle de gestionnaire obéissant d'un pouvoir sous tutelle. Il parle de réformes, jamais de réparations. Son discours, froid et aseptisé, transforme la mémoire des humiliations en prétexte à une nouvelle soumission.

Mis en place par des forces étrangères, le CPT entretient le chaos au profit des puissances tutélaires. Bureaucratique et technocratique, le tandem formé par le CPT et son gouvernement dissimule l'absence totale de projet national. De fait, ils deviennent les relais dociles d'une France toujours impériale et d'un ordre international qui exige qu'Haïti demeure à genoux

Un outrage à la mémoire des ancêtres

Et nous y revoilà, deux siècles plus tard, l'histoire bégaie. Macron maquille le colonialisme, l'impérialisme. Fritz A. Jean récite un texte sans âme. Que penserait Dessalines de cette mascarade ? Lui qui, sabre en main, proclama : « Nous avons osé être libres... » Comment accepter aujourd'hui, en 2025, cette combinaison morbide de silence, de résignation et de reniement ?

Non, ce peuple n'a pas combattu pour recevoir des médailles posthumes. Il s'est levé pour être libre, non pour mendier le respect de ses bourreaux. Le peuple haïtien exige la restitution intégrale des fonds extorqués et l'instauration d'une politique souveraine, pensée et décidée par nous-mêmes. C'est cette mémoire que Macron piétine, que le CPT trahit, et que nous devons raviver non par des discours creux, mais par un sursaut collectif d'indignation et d'action.

Macron ment avec le vernis de la diplomatie. Fritz A. Jean et son CPT trahissent par confort et lâcheté. Ensemble, ils enterrent une fois de plus Dessalines, tandis que, nous, au Ti Bambou, invoquions les rituels de libération. Mais c'est toute la nation qui a besoin d'un "Kase Kannari". Il faut briser les chaînes d'une mémoire amputée, enterrer les mirages de la coopération internationale, et délivrer l'esprit d'un peuple encore hanté par ses vieux démons coloniaux.

Le départ du CPT est un préalable à la libération

Le CPT de cette prétendue transition, sans ancrage populaire n'est qu'une gestion technocratique de notre détresse, il incarne la continuité d'un système d'asservissement. Dessalines ne nous a pas laissé un pays de résignation. Il nous a laissé une flamme, une exigence de liberté pleine et entière. Il est temps de la rallumer. À ce moment décisif de notre histoire, l'heure n'est plus aux compromis avec l'oppression. Comme en 1804, c'est la rupture qu'il faut. Il ne s'agit pas de négocier la liberté, mais de l'imposer. Le temps n'est plus à la diplomatie, mais à l'insurrection totale pour la refondation d'Haïti.

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