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Prenons un dernier risque pour Haïti !

  • Photo du rédacteur: Renouvo Demokratik
    Renouvo Demokratik
  • 27 mars
  • 6 min de lecture

PAR: Sonet Saint-Louis av,

Professeur de méthodologie de la recherche juridique et de droit constitutionnel

à la Faculté de droit et des sciences économiques de l'Université d'Etat.

Nous vivons une situation dramatique et alarmante qui ne doit laisser personne indifférent. L'ampleur de la prise de contrôle par les gangs est une menace directe et évidente à la souveraineté de l'État.

Plus de trente commissariats, bastions de l'autorité et de la sécurité, sont désormais aux mains des groupes criminels. Ces lieux où les trois pouvoirs de l'État, censés garantir la paix et l'ordre, devraient régner, sont devenus des zones de chaos et de terreur. Si même ces espaces sacrés de la souveraineté nationale sont tombés sous l'emprise des gangs, à quoi pouvons-nous nous attendre dans un pays où l'autorité n'a plus de pouvoir?

Les conséquences de cette situation catastrophique sont dévastatrices. Il n'y a plus de commerce ni d'industrie, des secteurs essentiels pour la survie économique d’un pays. Les institutions d'enseignement supérieur, pourtant sources de savoir et de progrès, sont désormais paralysées, comme les facultés de droit, de médecine et de sciences, ainsi que des établissements emblématiques comme l'École Normale Supérieure.

L'Église, pierre angulaire de la société haïtienne, est elle-même sous le joug de cette violence. Les plus grandes églises protestantes, telles que l'Église Méthodiste et l'Église Baptiste des Cités, sont frappées par cette même spirale de destruction. Et du côté de l'Église catholique, la situation est tout aussi désastreuse. Les pertes humaines, spirituelles et matérielles sont incommensurables.

Cette situation n'est pas simplement un échec mais un effondrement total des institutions, une implosion d'un système qui ne tient plus. La question qui se pose avec une urgence insoutenable est : comment avons-nous pu en arriver là ? La réponse à cette tragédie réside dans une culture de violence et d'impunité, un cercle vicieux dans lequel les élites haïtiennes, dans leur aveuglement, ont construit un consensus sur cette dérive. Cette absence de responsabilité, cette complicité tacite ou active, a permis aux gangs de s'enraciner, faisant de cette violence une norme plutôt qu'une exception. Il est grand temps de faire face à la réalité et de briser ce cycle avant qu'il ne soit trop tard.

J'ai entendu l'appel du Dr Daniel Auguste, l'un des leaders de la communauté protestante. Mais que vaut la parole de l'Église, dont la fondation repose sur la vérité, lorsqu'elle cède constamment devant le mensonge ? L'Église perd sa crédibilité lorsque la vérité qu'elle diffuse devient sélective. L'Église abrite ses corrompus ainsi que ses bourreaux qu'elle protège. Quelle tristesse !

Luttons pour un réveil éthique

On ne peut pas guider les autres vers la lumière si nous vivons dans l'ombre. C’est pourquoi nous implorons Dieu d’allumer en nous un réveil profond et véritable. Un réveil citoyen, humain, éthique. Ce n'est qu'en nous éveillant à cette vérité que les missionnaires, pasteurs, évêques et prêtres ressentiront pleinement la puissance divine. Un réveil qui transformera nos cœurs et résonnera dans chaque action, chaque parole. Le changement commence en nous.

Haïti a besoin d'une révolution morale, éthique, politique et intellectuelle, mais sommes-nous réellement capables de l’accomplir, étant donné les conditions d'immoralité dans lesquelles notre société évolue ? Des intellectuels, des membres du clergé prennent des positions flagrantes en faveur du mal et de sa perpétuation. Quelle déchéance !

Nous vivons sous un gouvernement qui transforme l’État en une machine au service du crime organisé, où la justice est désormais sous le contrôle d'une mafia d'État. Sommes-nous prêts à révéler la vérité au peuple ? Pourquoi l'Église, censée être la voix morale du pays, a-t-elle peur de dénoncer des injustices faites quotidiennement aux Haïtiens ?

Les jeunes qui volent, violent, tuent et brûlent la République ont fréquenté nos écoles, ont grandi dans nos églises. Pourquoi en sont-ils arrivés là ? Il est urgent de poser cette question, car il existe une responsabilité collective à assumer. Les élites ont tout volé, et il ne reste rien pour assurer la défense sociale des citoyens.

Comment expliquer qu’un citoyen puisse ôter la vie à un autre sans qu'il y ait de conflit entre eux ? Quelle déshumanisation !

Le véritable problème réside dans le fait que, pendant trop longtemps, notre pays a été manipulé par des politiciens médiocres et corrompus, qui n'ont défendu que leurs propres intérêts égoïstes et ceux de puissances étrangères. Ces élites, incapables même de se gérer elles-mêmes, ont monopolisé le pouvoir et pris des décisions au détriment de notre République.

La solution à cette crise ne réside pas dans la complaisance ou la collaboration avec l'injustice, mais dans une approche radicale et déterminée : nous devons combattre le mal, pas l'accepter.

Dans un tel contexte de désolation, comment imaginer que des individus au service de leurs intérêts personnels puissent décider de poursuivre un projet de référendum constitutionnel, sans que personne n’en ait eu connaissance, et ce, dans un climat d’opacité totale ? Qui détient le droit de modifier la Constitution de 1987, œuvre du peuple lui-même, à la fois auteur et rédacteur de ce texte fondamental ? Personne !

Certes, la Constitution de 1987 présente des faiblesses. Elle n’est pas parfaite. Mais elle n'est pas la cause de notre déchéance. La véritable cause réside dans les élites haïtiennes, qui, incapables de fonctionner dans un cadre juridique structuré, une société régie par le droit, ont sapé l’ordre et la stabilité. On ne peut pas confier une Constitution et des lois à une société qui se trouve sous le joug d'une élite incompétente et déconnectée des réalités du peuple. Bref à des sauvages. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d'un programme d'éducation national, un projet de reconversion et de rédemption des mentalités. Il s’agit de redéfinir nos valeurs et de remettre les fondations de notre société sur des bases solides.

Le CPT a échoué et doit se retirer

Le Conseil présidentiel de transition (CPT) a échoué. Il doit partir. Le pouvoir doit être transféré à la Cour de cassation. Ce n'est ni une solution légale ni constitutionnelle mais d'une solution politique et institutionnelle, dans le cadre de la recherche de la neutralité du processus électoral à venir.

Ceux qui soutiennent qu'on ne peut pas remplacer une illégalité par une autre oublient, par une forme d'amnésie volontaire, que le gouvernement d'Ariel, assisté d'un Haut Conseil de transition, n'avait aucune légitimité démocratique ni légalité. Pourtant, cette instance a été dissoute au profit d'un CPT tout aussi illégal.

Moralement, il est impossible de défendre un CPT au sein duquel se trouvent cinq inculpés. Une telle situation constitue une iniquité que l'Évangile nous interdit de soutenir.

Je suis d'accord avec ceux qui jugent que la Cour de cassation n'a pas toujours été à la hauteur de sa mission, en démontrant la pauvreté intellectuelle de son œuvre. Ce n'est pas seulement la Cour qui reflète cette pauvreté intellectuelle ; c'est tout le pays qui est médiocre. Cette médiocrité suprême, qui prédomine depuis un certain temps, donne le ton à l'ensemble de notre pays. Dire que certains juges ont été mal nommés à cette institution, c'est remettre en question toutes les décisions rendues par celle-ci.

Loin de sombrer dans un aveuglement intellectuel, je suis conscient des problèmes qui affectent la Cour et le pouvoir judiciaire. Ceux-ci ne peuvent pas être uniquement imputés aux juges, bien qu’ils contribuent à l'affaiblissement de l’institution. En réalité, ces problèmes découlent avant tout des gouvernants, qui n’ont jamais compris ce qu'est la justice dans une république démocratique, ni ce qu’elle devrait être en Haïti depuis l’adoption de la Constitution de 1987. L’imitation servile des textes français, en contradiction avec notre propre fondement philosophique, a conduit à un fiasco intellectuel et politique organisé.

Restituons le pouvoir à un juge impartial, qui ne se laissera ni corrompre par l’international ni par le secteur privé, surtout par l’oligarchie corrompue qui, avec la complicité de politiciens apatrides, a conduit Haïti dans la catastrophe. Les quelques rares transitions plus ou moins réussies concernent celles présidées par deux juges de la Cour de cassation : Ertha Pascal Trouillot (1990-1991) et Boniface Alexandre (2004-2006), accompagnés de cabinets ministériels composés de technocrates indépendants, libres de toutes entraves clientélistes ou transactionnelles. Le cas du sénateur Jocelerme Privert n’a pas vraiment constitué une transition politique. Il s’inscrivait dans une logique de continuité constitutionnelle qui a permis d’éviter l’éclatement de nos institutions républicaines. Ce sont trois expériences qui avaient une raison d’être et qui ont démontré un savoir-faire à un moment donné de notre histoire.

Alors, si vous partagez mes idées, rencontrons-nous pour construire ensemble une alternative salvatrice ! Lorsqu’il s’agit d’Haïti ou de questions publiques, chacun est légitime pour en parler, même si peu sont compétents pour les débattre. L’engagement citoyen est ce dont nous avons besoin en ce moment difficile. Prenons ensemble un dernier risque pour Haïti !

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