Restitution à Haïti de la « dette de l’indépendance »
Par: Le Collectif Haïti de France/
Ornella Braceschi ,Présidente.

Cette année 2025 marque le bicentenaire de la « dette de l’indépendance » et la France devra répondre aux nombreuses questions qui lui seront posées à ce sujet par l’Etat Haïtien, les sociétés d’Histoire, les universitaires, les associations de droits humains et la presse internationale.
L’Histoire singulière de l’ex-colonie française de Saint Domingue, qui ensuite a pris le nom d’Haïti à l’occasion de son indépendance le 1er janvier 1804, n’a pas été enseignée à l’école de la République Française, alors que la France a été présente à Saint Domingue dès 1651. Les français n’ont donc pas entendu parler de cette révolte d’esclaves ni de la bataille de Vertières, celle que le corps expéditionnaire français du Général Leclerc, envoyé en 1802 par Bonaparte, a perdu le 18 novembre 1803 contre une « bande d’esclaves ». A la tête de la plus puissante armée du monde de l’époque, Bonaparte entreprend de rétablir l’esclavage en Martinique et en Guadeloupe, mais il échoue à St Domingue, la « Perle des Antilles ». Haïti est, dans toute l’histoire, le premier pays souverain issu d’une guerre de libération d’esclaves victorieux de leurs maîtres, évènement planétaire passé sous silence dans nos écoles. La France, par l’entremise de ses manuels scolaires, a simplement occulté trois siècles de son histoire. Mais, qu’on le veuille ou non, l’histoire d’Haïti est liée à celle de la France et à l’Histoire universelle.
En effet, le 17 avril 1825, le Roi Charles X prend une ordonnance imposant le versement d'une indemnité de 150 millions de franc-or à Haïti qui correspond à un dédommagement pour les colons de Saint Domingue dépossédés de leurs plantations et de leurs biens et surtout de leurs esclaves. C’est en fait un compromis pour que la France reconnaisse enfin l'indépendance d'Haïti mais cette demande se fera sous la contrainte car des bâtiments armés de 500 canons mouillent dans la baie de Port au Prince !
Allégée en 1838 à 90 millions de franc-or, cette somme sera intégralement remboursée à la France Jusqu’en 1952, et jusqu’au dernier centime, par le biais d'emprunts à des banques françaises et américaines et redistribuée aux ayants droit des anciens colons. Toute la production agricole sera exportée et entièrement affectée à ce remboursement, et Haïti sera dans l’impossibilité, et pour longtemps, de se projeter dans l’avenir. On peut malheureusement le constater encore aujourd’hui.
Plus de la moitié de la population haïtienne est actuellement au bord de la famine et a besoin d’une aide humanitaire d’urgence alors que les gangs armés font la loi à Port au Prince et dans les départements alentours. Les rapports d’organismes internationaux et d’ONG alignent régulièrement des chiffres et des statistiques alarmantes comparables à ceux de pays en guerre, or Haïti n’a jamais été en guerre. Des économistes renommés ont prouvé que le remboursement de la dette a bloqué le développement d’Haïti pendant de nombreuses années.
Ainsi, personne ne peut honnêtement prétendre aujourd’hui que la France n’a absolument rien à voir avec ce qui se passe en Haïti. Comment dans les conditions actuelles, notre pays peut-il avoir des échanges respectueux, sérieux et sereins avec Haïti et comment peut-il l’aider enfin et concrètement à reprendre le chemin de la dignité ?
Leslie Voltaire, l'actuel président du Conseil présidentiel de transition, lors de son discours à l’occasion de la fête nationale, le 1er janvier, en a profité pour réitérer ce qu’avait déjà formulé son prédécesseur à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, le 26 septembre dernier : « la France, ancienne puissance colonisatrice, doit rembourser à Haïti la dette de l’indépendance ». Lors de sa visite auprès du président de la République, Monsieur Emmanuel Macron ce 29 janvier, des échanges ont eu lieu sur ce sujet et devraient donner lieu à une déclaration de la France le 17 avril 2025.
Des pays comme le Royaume Uni et les Pays Bas ont su le faire depuis plusieurs années avec leurs anciennes colonies en prenant la voie d’une réconciliation et d’une entente mutuelle. La France, pays de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et qui affiche haut et fort ses valeurs humanistes, s’honorerait d’entreprendre, à son tour, une telle démarche.
Le Collectif Haïti de France demande instamment à la France de se diriger vers une reconnaissance de sa responsabilité et de présenter des excuses nationales au nom du peuple français. Il souhaite que la France appuie Haïti pour un retour rapide à la sécurité et étudie avec le peuple haïtien, dans toute sa diversité, les modalités d’une restitution intelligente qui permettrait à la population haïtienne de bénéficier d’un appui au développement, et surtout d’instaurer un changement durable de sa politique vis-à-vis d’Haïti, basée sur le respect mutuel et sur une vraie solidarité.
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